lundi 27 août 2007

LE NECRONOMICON

Dans le tiroir brisé d'une commode Louis XV
l'Oncle Silas gardait un manuscrit de cuir
qu'enfant il m'était interdit d'ouvrir
L'Oncle Silas fumait la pipe en se balançant
sur un fauteuil à bascule et finissait par s'endormir
laissant sa pipe choir sur la moquette jaune
Alors je me levais sans bruit et pénétrais sa chambre
Devant la lourde commode je restais rêveur
posais mon index gauche sur la serrure
mais elle demeurait vierge et ne s'ouvrait jamais
Parfois je me levais de nuit réveillé par des cris
des grognements de fauves que personne n'a connus
sur cette Terre
Debout devant le meuble sous un hâlo phosphorescent
verdâtre qui l'éclairait
l'Oncle Silas tournait les pages craquelées noircies
du manuscrit interdit
d'un doigt nerveux et jauni par l'Amsterdamer
et des ombres gigantesques et diformes dansaient autour de lui
faisant naître de nauséabonds remugles
comme une odeur de poisson mille fois crevé
Cette nuit-là son coeur battit et s'arrêta net
battit et s'arrêta pour de bon
Le manuscrit maudit avait chu de sa main
et je le ramassai
il brûlait des feux multiples de l'enfer
et malgré ça je parvins à déchiffrer son nom :
"NECRONOMICON", Abdul Alhazred
Les pages me semblaient être faites de peau humaine
l'encre veineuse de la glande d'un poulpe
Les caractères runiques dansaient sur la peau
bien plus anciens que l'écriture démoniaque de Sumer
Pourtant à mesure que mes yeux tentaient de déchiffrer
les runes
ceux-ci s'imprimaient en lettres romaines et ce que je lus
en mon âme était plus cynique que le sceau
des sorciers noirs du Moyen-Age
Terrifié je lus :
" Il sera derrière toi quand tu prononceras son nom
et te déchirera de ses griffes vermeilles
Yog-Sothoth
Je prononçai ce nom à voix haute et tremblante
"Yog-Sothoth"
Quelque chose se posa sur mon épaule
et des griffes aux ongles sales se glissèrent
jusqu'à mon coeur
et alors.....

jeudi 23 août 2007

LES REVES DE LOVECRAFT

Rêves-tu Lovecraft ou n'es-tu
qu'un élément distinct du rêve
de quelque créature enfouie dans les mémoires du monde
que tu croyais avoir inventée
et qui peut-être t'ont inventée après t'avoir rêvé
N'est-ce pas plutôt des cauchemars qui t'étreignent
que naissent les ombres de Chtulhu et du Biouc aux 7 Chèvres
A force de rêver Lovecraft ne vas-tu pas laisser
la Terre à la merci de ceux qu'on ne doit même pas nommer
et qui dorment encor parce que la Mort
n'a pas prise sur eux et n'en veulent pas
parce qu'alors la Mort ne pourrait plus vivre
Le monde des cafés du téléphone et des femmes peintes
le monde des gouvernants et des automobiles
du cinéma trop réél pour être vrai
le monde des fracas organisés et des combats
guerriers
tout cela ne te concernait pas
Dans les rues d'Arkham trop peuplées
de ces êtres normaux qui ne t'attiraient pas
tu songeais en marchant tu rêvais
tu rêvais sous la triste pluie froide
tu rêvais à ces dynasties oubliées
qui reposent dans les algues des abysses
et qu'on ne devrait jamais réveiller de peur
que notre monde soit
trop petit pour les accueillir
Et quand la Mort la vraie la seule
t'a tiré de ce néant implacable
où tu te roulais comme dans un tapis turc
cadavérique et squelettique
sans pupille
tu as rejoint les palais glauques
aux portiques gluants
pour te fondre à jamais dans ceux
qui t'ont créé et que tu as créés

mercredi 22 août 2007

LE BATISCAPHE

Le batiscaphe en un flot de sang bleu
griffa l'Océan blême
et s'enfonça dans le remugle où
nagent des serpents d'argent semblables
à des thons
L'air puisait son souffle rauque
dans les étreintes du vide
et je me sentais par des serres
puissantes serré compressé
et la mort planait de ses yeux cruels
Le batiscaphe hurla en tombant
dans la vase immonde aux senteurs méphitiques
Vingt Mille mètres me séparaient des oiseaux blancs aux cris sanglants
et des milliards de milliards de kilomètres
du cruel Saturne où dansent des essences
diaboliques d'un univers insondable
Par le hublot je vis d'abord la pénombre
envahir l'obscurité et se reflèter sur le verre dépoli
un tentacule mousseux dont les pustules écoeurants
vibraient comme les musiques d'un DJ satanique
Puis 2, 3 et des centaines de tentacules verdâtres
cognèrent au frontispice de ma vision
et soudain
je vis
l'oeil démoniaque s'ouvrir sur un palais de crocs
et je sus
en cet instant précis
que ce poulpe n'était pas un poulpe gigantesque
grand comme un Mont inexploré de l'Hymalaya
mais lui
le Dieu cruel et sanguinaire qui rêvait
aux temps certains où le monde ne verrait plus que sa gloire

mardi 21 août 2007

LE PLATEAU DE LENG


Sur les contreforts de l'énigmatique
Plateau de Leng
là où nul être humain n'a foulé encor les sables bistres
d'une roche parfaitement inconnue sur Terre
s'avance un équipage étrange :
un traîneau en peau d'oryx tricéphale traîné par un Yak gigantesque
Sur ce traîneau un homme agite un fouet fait
d'une lanière plume d'archéoptérix
Son visage hâlé déteint sur le bistre du sable
Des cris gutturaux et inhumains jaillissent de sa gorge
"Nyarlathotep...Yog Sothot"
Il poursuit sa quête en ce sinistre lieu
la quête de Kadath la cité interdite
protégée par de sinueuses goules
dont le seul dessein est de s'abreuver du sang impur
d'un être humain qu'elles n'ont pas vu depuis des milliards
de millénaires
Et voici que se dessinent
les hautes tours d'onyx que nul être humain jamais ne devrait voir
Pourquoi Liselan cours-tu ainsi après la mort
puisque tu sais qu'elle est l'inévitable grâal de cette quête
Fuis-tu le pénible savoir de ton siècle impie
quelque femme aux seins d'albâtre
le souvenir d'un enfant dévoré par le feu des tiens
ou toi-même
Tu es le seul à le savoir

dimanche 19 août 2007

CELUI QUI CHUCHOTAIT DANS LES TENEBRES


Sur la plaine où souffle un zéphyr brûlant
soulevant des herbes grises aux épines mortelles
qui roulent indéfiniment en de sinueux circuits
est une hutte de joncs jaunes tressés.

Un être difforme nain ou géant
assis en tailleur sur un pouf en cuir d'anguille
tire d'une flûte en os de dragon d'immondes sons.

Près de lui observant les ténèbres qui succèdent
aux ténèbres
un homme enveloppé d'un ciré noir brodé d'étoiles d'or
chuchote des mots sans voyelle
cantates et sonates gutturales
comme il le faisait déjà avant que naisse l'univers.