dimanche 30 septembre 2007

LA MALEDICTION D'IPSCHWICH

L'autocar jaune et mauve stoppe
à un kilomètre d'Ipschwich
Ne demandez surtout pas à Simon d'aller plus loin
il tremble comme un saule sous le vent d'automne
Une longue avenue sombre et pourtant sans arbre
vous conduit à Ipschwich
La seule auberge est tenue par une vieille
dont l'oeil crevé vous nargue à travers sa
taie blanchâtre
La chambre est à l'étage
sans eau ni chauffage ni électricité
Un lit s'offre à vous envahi de cafards
aussi gros que des rats d'égout
L'aubergiste sans nom a des relents de poisson
moisi
Si vous croisez quelqu'un dans la longue avenue
sombre
lui aussi a les mêmes relents d'océan nauséabonds
et ses yeux globuleux semblent fuir votre présence
Vous êtes un étranger dans une étrange ville étrangère
nul mot nulle parole et le snack où vous entrez
ne vous offre qu'un poisson fade et visqueux
et une bière tiède et amère
Le soir un conseil restez cloîtrés dans votre lit
souillé de cafards
On dit que les habitants d'Ipschwich sortent la nuit
et se rassemblent en cercle sur la digue
On dit que l'un d'entr'eux sort des sons sinistres d'une flûte en os de cachalot
et l'Océan s'ouvre en un grand cri de haine
Celui qui surgit être difforme et malfaisant
est le Père Tout-Puissant des habitants d'Ipschwich
qui vient réclamer son dû mensuel
une vierge nue qu'il enfonce dans les flots
qu'on ne revoit jamais
et les autres s'en vont
jusqu'à la prochaine lune

samedi 8 septembre 2007

LA PORTE DES ENFERS


La porte des enfers ne s'ouvre pas sur Satan
mais sur d'onduleuses créatures
vivant depuis la nuit des temps
aux quatre coins de l'univers
Malheur à qui ose l'ouvrir
Dante lui-même n'y aurait pas survécu
Au travers d'épais nuages violacés
elles sommeillent
les créatures
elles sommeillent
ne sont point mortes
Un jour un homme voulut
s'enfoncer dans ce désert visqueux...
Ses hurlements continuent d'errer à travers les galaxies
et nul trou noir ne saurait les éteindre

dimanche 2 septembre 2007

LES DIEUX OUBLIES


N'est point mort qui vit encore
Allons pensiez-vous vraiment que tous les dieux anciens
avaient été soufflés par l'Unique Dieu
le Dieu de Moïse de Jésus et celui d'Akhénaton-le-rebelle
Car si Dieu existe existent les dieux
ceux du Walhala et de l'Olympe
ceux des Mayas et ceux des Celtes
Zeus le roi des rois est entouré
des murs que Dieu a construits autour de lui
Neptune n'est plus l'hôte des abysses
Aphrodite gît dans un labyrinthe
Et Osiris me direz-vous meurt-il encore
pour renaître à nouveau phoenix immortel
Thor depuis longtemps a déposé les armes
dans son château de glace
Et ceux d'avant les temps des dieux
ceux qui règnent encore - les grands anciens -
attendant que leurs chaînes ne soient plus que des fétus de paille
ceux qui ont détruit le cerveau gangrené
de Lovecraft
Tous vous m'entendez
tous attendent que Dieu meure et s'éteigne
dans son jargon dictatorial
pour surgir
des mémoires
des grimoires noircis
et règner encore et à jamais sur le monde
qui les a oubliés

samedi 1 septembre 2007

COULEUR TOMBEE DU CIEL

La lande dormait d'un oeil défunt
et les chouettes hululaient en tremblant
Les paysans assoupis rêvaient à des moissons fébriles
et somptueuses
Dans le ciel clair vibrait une lune gibbeuse
dont l'oeil clignait mystérieusement
Tout-à-coup un voile opaque recouvrit ce ciel si pur
en l'espace d'un souffle
une chauve-souris chut d'une branche pourrie
en un suicide voulu par son subconscient
Le ciel s'entr'ouvrit fugace une couleur insensée
en une colonne horrible tomba sur le sol
une couleur sans nom que même Rembrandt ne
pouvait pas connaître
Aucun accent de l'arc-en-ciel ne correspondait
à cette couleur sulfureuse
Au matin les paysans étonnés virent
la colonne écraser immonde la glaise
et l'herbe verte et l'herbe verte se ternit
devint glauque et s'effondra en un amas assombri
Le fils Yvon son pied posa sur le cercle froid
et la flamme éclata lècha la chair d'Yvon
qui s'embrasa brusquement son corps
devint flamme et le vieux Jérémy terrorrisé s'évanouit
Le cercle grossissait et mangeait l'herbe et mangeait
les animaux et les fermes et les hommes
Jusqu'à ce que la couleur tombée du ciel
s'étendit à la Terre entière

lundi 27 août 2007

LE NECRONOMICON

Dans le tiroir brisé d'une commode Louis XV
l'Oncle Silas gardait un manuscrit de cuir
qu'enfant il m'était interdit d'ouvrir
L'Oncle Silas fumait la pipe en se balançant
sur un fauteuil à bascule et finissait par s'endormir
laissant sa pipe choir sur la moquette jaune
Alors je me levais sans bruit et pénétrais sa chambre
Devant la lourde commode je restais rêveur
posais mon index gauche sur la serrure
mais elle demeurait vierge et ne s'ouvrait jamais
Parfois je me levais de nuit réveillé par des cris
des grognements de fauves que personne n'a connus
sur cette Terre
Debout devant le meuble sous un hâlo phosphorescent
verdâtre qui l'éclairait
l'Oncle Silas tournait les pages craquelées noircies
du manuscrit interdit
d'un doigt nerveux et jauni par l'Amsterdamer
et des ombres gigantesques et diformes dansaient autour de lui
faisant naître de nauséabonds remugles
comme une odeur de poisson mille fois crevé
Cette nuit-là son coeur battit et s'arrêta net
battit et s'arrêta pour de bon
Le manuscrit maudit avait chu de sa main
et je le ramassai
il brûlait des feux multiples de l'enfer
et malgré ça je parvins à déchiffrer son nom :
"NECRONOMICON", Abdul Alhazred
Les pages me semblaient être faites de peau humaine
l'encre veineuse de la glande d'un poulpe
Les caractères runiques dansaient sur la peau
bien plus anciens que l'écriture démoniaque de Sumer
Pourtant à mesure que mes yeux tentaient de déchiffrer
les runes
ceux-ci s'imprimaient en lettres romaines et ce que je lus
en mon âme était plus cynique que le sceau
des sorciers noirs du Moyen-Age
Terrifié je lus :
" Il sera derrière toi quand tu prononceras son nom
et te déchirera de ses griffes vermeilles
Yog-Sothoth
Je prononçai ce nom à voix haute et tremblante
"Yog-Sothoth"
Quelque chose se posa sur mon épaule
et des griffes aux ongles sales se glissèrent
jusqu'à mon coeur
et alors.....

jeudi 23 août 2007

LES REVES DE LOVECRAFT

Rêves-tu Lovecraft ou n'es-tu
qu'un élément distinct du rêve
de quelque créature enfouie dans les mémoires du monde
que tu croyais avoir inventée
et qui peut-être t'ont inventée après t'avoir rêvé
N'est-ce pas plutôt des cauchemars qui t'étreignent
que naissent les ombres de Chtulhu et du Biouc aux 7 Chèvres
A force de rêver Lovecraft ne vas-tu pas laisser
la Terre à la merci de ceux qu'on ne doit même pas nommer
et qui dorment encor parce que la Mort
n'a pas prise sur eux et n'en veulent pas
parce qu'alors la Mort ne pourrait plus vivre
Le monde des cafés du téléphone et des femmes peintes
le monde des gouvernants et des automobiles
du cinéma trop réél pour être vrai
le monde des fracas organisés et des combats
guerriers
tout cela ne te concernait pas
Dans les rues d'Arkham trop peuplées
de ces êtres normaux qui ne t'attiraient pas
tu songeais en marchant tu rêvais
tu rêvais sous la triste pluie froide
tu rêvais à ces dynasties oubliées
qui reposent dans les algues des abysses
et qu'on ne devrait jamais réveiller de peur
que notre monde soit
trop petit pour les accueillir
Et quand la Mort la vraie la seule
t'a tiré de ce néant implacable
où tu te roulais comme dans un tapis turc
cadavérique et squelettique
sans pupille
tu as rejoint les palais glauques
aux portiques gluants
pour te fondre à jamais dans ceux
qui t'ont créé et que tu as créés

mercredi 22 août 2007

LE BATISCAPHE

Le batiscaphe en un flot de sang bleu
griffa l'Océan blême
et s'enfonça dans le remugle où
nagent des serpents d'argent semblables
à des thons
L'air puisait son souffle rauque
dans les étreintes du vide
et je me sentais par des serres
puissantes serré compressé
et la mort planait de ses yeux cruels
Le batiscaphe hurla en tombant
dans la vase immonde aux senteurs méphitiques
Vingt Mille mètres me séparaient des oiseaux blancs aux cris sanglants
et des milliards de milliards de kilomètres
du cruel Saturne où dansent des essences
diaboliques d'un univers insondable
Par le hublot je vis d'abord la pénombre
envahir l'obscurité et se reflèter sur le verre dépoli
un tentacule mousseux dont les pustules écoeurants
vibraient comme les musiques d'un DJ satanique
Puis 2, 3 et des centaines de tentacules verdâtres
cognèrent au frontispice de ma vision
et soudain
je vis
l'oeil démoniaque s'ouvrir sur un palais de crocs
et je sus
en cet instant précis
que ce poulpe n'était pas un poulpe gigantesque
grand comme un Mont inexploré de l'Hymalaya
mais lui
le Dieu cruel et sanguinaire qui rêvait
aux temps certains où le monde ne verrait plus que sa gloire